Berlin, de l'autre côté du mur

par Philippe  -  17 Novembre 2014, 10:58

Berlin, de l'autre côté du mur

Documentaire de Gahd Charbit et Anne Véron, AB Production, 2013.

Après sa capitulation le 8 mai 1945 l'Allemagne est divisée en quatre zones d'occupation respectivement sous administration soviétique, américaine, britannique et française. Berlin est d'abord totalement occupée par l'Armée Rouge puis réparti en quatre secteurs (les soviétiques gardent 45, 6 % soit 409 km2) et totalement enclavée en Répubique Démocratique Allemande (RDA). Les tensions entre soviétiques et occidentaux commencent dès le 19 mars 1948 quant les soviétiques quittent le conseil de contrôle de la ville. Elles culminent entre le 24 juin 1948 et le 12 mai 1949 lorsque les transports terrestres et fluviaux sont coupés entre Berlin Ouest et le reste de l'Allemagne. Grâce à un gigantesque pont aérien organisé sous l'égide des USA Berlin Ouest survit au blocus. Les soviétiques veulent mettre la main sur Berlin mais la création de la République Fédérale d'Allemagne (RFA) en 1949 dans la trizone (zone française, britannique et américaine) suivie de près par celle de la République Démocratique Allemande dans la zone soviétique consolide la partition.

La RDA subit un flot d'émigration (entre 2, 6 et 3, 6 millions d'émigrés) croissant vers la RFA. Les émigrés passent plutôt par Berlin car les zones rurales sont très surveillées. L'émigration concerne les jeunes actifs Allemands, Tchèques et Polonais. Elle est très facile car il suffit de prendre le train ou le métro. La propagande soviétique qualifie les émigrés de "déserteurs" et de "contrebandiers" mais les causes de cette émigration sont aussi économiques. Le plan septennal (1959 - 1965) inspiré par Moscou est un échec : production industrielle et agricole et investissements en baisse, pénurie de main - d'œuvre qualifiée et développement d'un important trafic de marchandises et de devises.

La construction du mur commence le 12 août 1961 sous la surveillance de policiers et de soldats. Les Alliés (britanniques, américains et français) sont surpris par cette décision de même que les services secrets ouest allemand (BND). Jusqu'en septembre 1961 la frontière reste franchissable et 85 soldats est allemands ainsi que 400 civils parviennent à fuir. Le futur chancelier Willy Brandt et es Alliés protestent énergiquement mais les soviétiques assurent que leurs droits seront respectés à Berlin Ouest et en RFA. En outre les protagonistes ne veulent pas déclencher une escalade qui aboutirait à une guerre nucléaire. Le mur apparaît comme un dispositif militaire comportant deux murs de 3, 6 mètres de haut avec un chemin de ronde, 302 miradors et dispositifs d'alarme, 14.000 gardes et 600 chiens. La construction du mur donne une image très négative du bloc communiste et prouve de manière symbolique son échec économique face au bloc occidental. Le mur s'apparente à une vaste prison dans laquelle les dirigeants communistes enferment leur peuple.

La construction du mur de Berlin.La construction du mur de Berlin.

La construction du mur de Berlin.

La STASI (police secrète est allemande) devient un véritable Etat dans l'Etat. 80 % du budget de la RDA est affecté à 'espionnage des Allemands restés à l'Est. Pour parvenir à ses fins la STASI avec la complicité des autorités est allemandes transforme la délation en devoir national. Elle entretient une armée d'informateurs qui instaurent un climat de suspicion. Dans ces conditions il est impossible d'avoir une vie privée et des amis. Le régime communiste est allemand développe une propagande mensongère afin d'annihiler toute velléité de résistance de la population et de présenter une image tronquée de la situation aux occidentaux.

La réalité est bien différente. La ville est sans animations et les bâtiments ne sont plus entretenus. Le régime inaugure dès 1967 dans la zone industrielle de Oberschänweide le premier combinat industriel dont les fumées qui sortent des cheminées d'usines accentuent la pollution de l'air ambiant. Les constructions d'immeubles d'habitations de 11 à 25 étages imitent le style soviétique et défigurent le paysage. Le contraste est saisissant avec la partie ouest de la ville ou une réforme monétaire et la reconstruction permettent le développement du niveau de vie. Comble de l'ironie une plate forme panoramique est même installée pour permettre aux touristes durant les années 1970 et 1980 de voir ce qui se passe de l'autre côté du mur comme dans un zoo.

La seule solution qui s'offre est de fuir. Il y a différents types de fuite. Tout d'abord les fuites individuelles comme celle du jeune douanier Conrad Schumann qui enjambe les barbelés ou celles de fugitifs descendant par une corde en draps de lit ou sautant par les fenêtres des immeubles. La fuite peut aussi s'organiser grâce à des réseaux qui disposent de moyens pour faciliter les évasions (construction de souterrains, voitures à double fond). Cependant le prix à payer est lourd. Les gardiens (vopos) reçoivent l'ordre de tirer à vue et abattront 600 personnes dont 136 au pied du mur. En outre 75.000 personnes seront condamnées pour avoir facilité à quelque titre que se soit toute forme d'évasion.

Fuite de Berlin Est vers Berlin Ouest, décès d'un fuyard.Fuite de Berlin Est vers Berlin Ouest, décès d'un fuyard.

Fuite de Berlin Est vers Berlin Ouest, décès d'un fuyard.

Les personnes convaincues d'avoir aidé des fugitifs à passer à l'Ouest peuvent selon le code pénal être condamnées à une période d'emprisonnement qui peut aller jusqu'à dix ans de prison. La dureté de cette répression incite les Länder (Etats) située en RFA à créer dès 1961 à Salzgatter un Centre de documentation jurique sur les violations des droits de l'homme perpétrés en RFA. Les condamnés sont enfermés dans une prison de haute sécurité à Berlin ou ils sont privés de tout et laissés seuls soumis aux coups et à la torture psychologique. Les interrogatoires se déroulent toujours avec deux interrogateurs. Le premier est violent presque agressif mais le prisonnier parle rarement. Le deuxième est plus sympathique et le prisonnier raconte tout ce qu'il sait et même plus.

Cependant le régime communiste est allemand innove par rapport aux autres dictatures. Le dictateur enferme ou fait enfermer les gens le plus longtemps possible dans une prison ou ils croupissent. Le régime communiste est allemand "rentabilisait" ses prisonniers. Dans les prisons se trouvaient des ateliers ou ils travaillaient 10 heures par jour et 7 jours par semaine. Les prisonniers devaient produire le maximum de pièces de consommation courante qui étaient ensuite vendues par correspondance ou sur un catalogue. L'argent récolté allait directement dans les poches des dirigeants de la prison ou des hauts responsables communistes mais plus rarement dans les caisses de l'Etat. Les prisonniers pouvaient aussi être vendus comme des esclaves à la RFA. Les prix variaient dans une fourchette allant de 20.000 à 70.000 marks par prisonnier. L'argent récolté servait ici encore à enrichir les dirigeants. Avant de partir vers l'Ouest les prisonniers devaient jurer aux autorités communistes est allemandes de ne rien dire sur leurs conditions de vie et de détention sous peine de se faire abattre par les agents secrets de la STASI.

Le mur le jour et la nuit.Le mur le jour et la nuit.

Le mur le jour et la nuit.

En 1989 la situation géopolitique change. Les Soviétiques se retirent d'Afghanistan et la Hongrie ouvre ses frontières. En août un membre de Solidarnosc Tadeusz Mazowiecki devient Premier ministre de la Pologne. Les Allemands de l'Est quittent par milliers le pays en passant par la Hongrie. Les églises protestantes organisent des prières pour la paix et se proposent comme médiatrices au pouvoir communiste. Les manifestations prennent une telle ampleur que le pouvoir songe à utiliser la force mais le Secrétaire général du PCUS Mikhaïl Gorbatchev indique que le recours à la force est exclu. Le pouvoir doit négocier avec le peuple. Dès le 27 octobre les 400 prisonniers de la prison de haute sécurité sont libérés et la police leur présente des excuses. Le 9 novembre 1989 le Secrétaire du comité central du Parti communiste est allemand chargé des médias lit une déclaration dans laquelle il est indiqué que les restrictions (visas, justificatifs) pour les voyages hors de la RDA sont levées. Dans la nuit la foule munie de pics détruit le mur puis se dirige vers le siège de la STASI qu'elle met à sac.

La STASI est dissoute en 1990 mais elle laisse derrière elle un encombrant héritage : les archives qui contiennent les noms des suspects mais aussi de ses agents et de ses informateurs soit 111 Km d'archives. L'association ASTAK (Antistalinische Aktion Berlin Normannenstrasse) fondée par d'anciens comités de citoyens de la RDA a transformé le QG de la STASI en musée sur deux étages. Le rez - de - chaussée a été conservé tel qu'il était avec ses statues et ses drapeaux. Au premier étage se trouvent les bureaux des dirigeants : Erich Mielke, le colonel Volpert, et le général Corlabahn, le secrétariat, la salle de conférences mais aussi le snack et le vestiaire. Entre ces deux étages sont exposés les objets (caméras, appareils photo, ...) mais aussi des armes utilisés par la STASI pour espionner les gens.

Les berlinois détruisent le mur.Les berlinois détruisent le mur.

Les berlinois détruisent le mur.

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