Frank Horvat, la maison en quinze clés

par Philippe  -  3 Novembre 2014, 11:57

Frank Horvat, la maison en quinze clés

Exposition du 10 octobre 2014 au 25 janvier 2015 au Théâtre de la Photographie et de l'Image, 27 boulevard Dubouchage, 06.000 Nice, tél. : 04.97.13.42.20, entrée libre, ouvert tous les jours sauf le lundi de 10 h. à 18 h.

A quatre vingt six ans Frank Horvat (il est né le 28 avril 1928 à Abbazio maintenant Opatija en Croatie) sait très exactement à quelle place se trouve son œuvre mais le public peine à l'identifier. Il faut avouer que Frank Horvat s'est toujours amusé à passer d'un thème à l'autre (reportage, nu, mode, portrait, paysage) avec la même curiosité. Avec l'âge il ne renonce pas à photographier mais il privilégie l'introspection peut - être parce que les personnes âgées bougent peu et sont amenées à s'intéresser de plus en plus à elles - mêmes.

La rétrospective que lui consacre le Théâtre de l'Image et de la Photographie de Nice est selon les termes du photographe "une redite simplifiée" de l'album géant qu'il a ouvert sur Internet en créant "Horvatland" application Ipad ouvrant sur soixante - dix ans d'images. Frank Horvat cherche à montrer et à faire comprendre le lien qui peut exister entre les différents clichés qu'il a réalisé. Dans cette rétrospective il n'existe pas de dénominateur commun mais des clés c'est à dire les raisons qui ont motivé le photographe à photographier. La rétrospective se présente comme un labyrinthe ou chaque étape est ponctuée par une clé agrémentée de photographie qui permet de mieux cerner le travail de Frank Horvat.

Photographies de mode : 1958, Paris, "Le jardin des modes", 1965, Djerba, "Harpers Bazaar".Photographies de mode : 1958, Paris, "Le jardin des modes", 1965, Djerba, "Harpers Bazaar".

Photographies de mode : 1958, Paris, "Le jardin des modes", 1965, Djerba, "Harpers Bazaar".

Tout commence avec la clé "Notoriété". A la fin des années 1950 Frank Horvat bouscule les codes des photographies de mode en faisant sortir les modèles féminins des studios pour les confronter au réel. La seconde clé intitulée "Photographies" montre l'importance de la lumière dans une prise de vue. En effet une bonne photo est une question de temps mais la lumière et a fortiori le temps sont fuyants. Le photographe doit donc saisir le bon moment.

Dans la salle de l'argentique la clé "Autoportrait" met en avant les problèmes techniques que rencontre le photographe lorsqu'il doit contrôler le modèle et l'appareil. La clé "Photo con" révèle malgré son titre une contradiction. Lorsque Frank Horvat photographie il sait ce qu'il va montrer. Parfois le résultat est une surprise car la photographie révèle quelque chose auquel le photographe ne s'attend pas. Le mot con ne veut donc pas dire qu'il méprise ces clichés. La clé "Choses" montre que le photographe veut saisir l'instant juste tout en ayant le bénéfice du risque. Sa démarche est anti natures mortes. La clé "Pas à sa place" est issue d'une interrogation : qu'est ce qui n'est pas à sa place ? quelle est la vraie place d'un individu et d'un objet ? cette réflexion est elle subjective ou objective ? La clé "Vraie femme" part d'un phantasme du photographe. Entre 1957 et 1962 il devient photographe de mode à Paris, Londres et New - York pour "Jardin de modes", "Elle", "Glamour", "Harper's Bazaar". Il est frappé par le côté artificiel de cet univers et il décide à travers ses clichés de casser ces artifices car ce qui l'attire c'est de connaître la fille et de la voir sans sa robe.

Photographies pour la publicité (1958, 1965)
Photographies pour la publicité (1958, 1965)

Photographies pour la publicité (1958, 1965)

Dans le salon Hercule Florence la clé "Condition humaine, problèmes" aborde l'aspect politique du travail de Frank Horvat. Conscient des problèmes du monde il évite de les dénoncer de façon directe et frontale. Il préfère utiliser son appareil pour suggérer le problème et peut - être esquisser une solution. Cependant il admire ceux qui ont le courage de s'engager.

Photographies d'un camp de réfugiés palestiniens (1954) et d'une écrivaine féministe (1968)Photographies d'un camp de réfugiés palestiniens (1954) et d'une écrivaine féministe (1968)

Photographies d'un camp de réfugiés palestiniens (1954) et d'une écrivaine féministe (1968)

Dans le salon Charles Nègre la clé "Voyeur" aborde le voyeurisme. Pour Frank Horvat le voyeurisme permet au photographe de satisfaire sa sexualité par les yeux. Il pénètre, saisit et possède l'autre sans tenir compte de son désir. Ce voyeurisme ne suscite pas de culpabilité. La clé "Temps suspendu"évoque la question fondamentale que se pose tout photographe : pourquoi ai je pris ce cliché ?

Pourquoi ai je pris ces clichés ?  Frank Horvat.Pourquoi ai je pris ces clichés ?  Frank Horvat.

Pourquoi ai je pris ces clichés ? Frank Horvat.

Dans le salon Jean Giletta la clé "Métaphores" évoque la substance du travail de Frank Horvat sous la forme d'un questionnement. Pourquoi avoir choisi cette idée à la place d'une autre ou de plusieurs autres ? cette idée sera t'elle ou non comprise ? Cette clé touche à l'intime de Frank Horvat. Pour lui la photographie a été un choix par défaut. Il admire la peinture at aurait voulu être peintre mais il ne peint que des tableaux qu'il qualifie de "mauvais dessins". Frank Horvat suggère aussi qu'il existe une corrélation entre poésie et publicité et entre peinture et photo.

La clé "D'œil à œil" s'intéresse au sens de la photo. La photo est une fenêtre de l'âme que le photographe saisit lorsqu'il photographie quelqu'un qui ne le regarde pas.

La clé "Fait penser à" évoque la querelle entre les anciens (les photographes qui rejettent l'utilisation de l'ordinateur et des modifications qu'il permet et dont Frank Horvat avait recueilli les témoignages entre 1986 et 1987 pour son livre "Entre vues" paru aux éditions Nathan) et les modernes (les photographes qui utilisent l'ordinateur et les réseaux sociaux comme Google) auxquels il s'est rallié en 1989 lorsqu'il commence à utiliser l'imagerie numérique. Pour Frank Horvat cette querelle reste secondaire car ce qui compte pour photographier c'est la lumière et l'objet.

Photographies des rues de New - York dans les années 1980Photographies des rues de New - York dans les années 1980

Photographies des rues de New - York dans les années 1980

Les trois dernières clés concernent des concepts auxquels Frank Horvat s'efforce d'apporter une réponse. La clé "Un" l'amène à répondre tout. La clé "Beaucoup" lui évoque la troisième personne du pluriel et le pluriel en général. Enfin la clé "Deux" semble inspirer davantage Frank Horvat. Le concept Deux lui évoque la deuxième personne du singulier mais aussi le dialogue voir l'égalité. Le concept lui permet de prendre conscience de l'autre et de son altérité.

1970, le couturier et son modèle, 1984, deux détectives à New - York1970, le couturier et son modèle, 1984, deux détectives à New - York

1970, le couturier et son modèle, 1984, deux détectives à New - York

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