VariationsLeCorbusier

par Philippe  -  23 Juin 2015, 10:35

VariationsLeCorbusier

Oeuvres d'art contemporain et maquettes d'architectures. Exposition des oeuvres de : Michel Aubry, Neal Beggs, Lieven de Broek, Ulla Von Brandenbourg, Martin Caminiti, Jennifer Douzenel, Ibai Hernandorena, M/M Paris, Pierre Huygue, Renaud Leyrac, Isa Melsheimer, Stéphanie Nava, Eve Pietruschi, Anne et Patrick Poirier, Stéphane Protic, Emmanuel Régent, Amendien Rousguisto, Juliao Sarmento, Mathieu Schmitt, Isabelle Sordage, Xavier Theunis, Xavier Veilhan, Tomoko Yoneda, maquettes de Tadao Ano, de la Haute Ecole des sciences appliquées de Zürich (ZHAW), et des écoles, collèges et lycées des Alpes - Maritimes. Château de Carros, place du château, 06510 Carros (village), entrée libre, septembre - juin : 10h-12H30 et 14h-17h30, juillet - août : 10h-12h30 et 14h30-18h30, fermé lundi et jours fériés, tél. 04.93.29.37.97, du 5 mai au 27 septembre 2015.

 

A l'occasion du cinquantenaire de la mort du Corbusier le Centre International d'Art contemporain lui rend hommage. L'exposition fédère des intervenants de différents milieux (artistes, enseignants, médiateurs) pour mettre en avant la figure et l'oeuvre du Corbusier. Les plasticiens peuvent d'abord être subjugués par la personnalité du Corbusier. Lorsque Martin Caminiti rencontre le Corbusier durant sa jeunesse sur la plage de la Buse à Roquebrune - Cap - Martin il ignore que cette rencontre l'aménera plus tard à intégrer la pensée de l'architecte dans ses travaux.

 

Les plasticiens cherchent aussi à représenter le Corbusier comme le fait Xavier Veilhan. Sa sculpture repésente un personnage assez anguleux. Ces angles représentent les différentes facettes du Corbusier. Il est un créateur qui n'est pas dépourvu d'ambiguité. Cependant tous s'accordent pour reconnaître sa place incontournable dans l'architecture mondiale.

 

Martin Caminiti, "Hommage à le Corbusier, projet portail", (2010) et Xavier Veilhan, "Le Corbusier", (2010)Martin Caminiti, "Hommage à le Corbusier, projet portail", (2010) et Xavier Veilhan, "Le Corbusier", (2010)

Martin Caminiti, "Hommage à le Corbusier, projet portail", (2010) et Xavier Veilhan, "Le Corbusier", (2010)

La pensée architecturale de le Corbusier est le résultat d'un long processus qui trouve son origine dans le "Mouvement moderne" né au lendemain de la Première guerre mondiale et qui se subdivise en plusieurs branches : le fonctionnalisme, le rationalisme et la puissance de la forme. Dans ce mouvement tout dépend de la personnalité de chaque architecte. Le Corbusier fonde son travail sur "un ordre organique naturel" qui devrait aboutir à un confort domestique standardisé qui rappelle des souvenirs d'enfance dans la ville du Havre au plasticien Renaud Leyrac.

La notion "d'ordre organique naturel" sert de matrice et se décline en plusieurs idées forces : simplicité des formes, organisation, rigueur. Cependant le Corbusier n'hésite pas à teinter cette approche rigide par une dose d'utopie. Ses réalisations font apparaître des détails imparfaits et des éléments irréguliers qui rompent la composition sans altérer le résultat (Tadao Ando).

Cette notion se retrouve également dans les cinq points sur lesquels Le Corbusier fonde l'architecture moderne : le piloti, le toit terrasse, le plan libre, la fenêtre - bandeau et la façade libre. Notion que le plasticien Mathieu Schmitt conteste lorsqu'il prend des images issues de magazines d'architecture et qu'il les repasse avec un vrai fer à repasser pour créer des plis qui perturberont la planéité propre à tout objet d'art minimal.

Renaud Leyrac, "Home contemporain", (2015), et Mathieu Schmitt, "Unpacked LC2", (2014)Renaud Leyrac, "Home contemporain", (2015), et Mathieu Schmitt, "Unpacked LC2", (2014)

Renaud Leyrac, "Home contemporain", (2015), et Mathieu Schmitt, "Unpacked LC2", (2014)

Le Corbusier s'intéresse également aux matériaux que l'architecte et l'entrepreneur utilisent pour construire des immeubles et des maisons. Eve Pietruschi estime que les matériaux utilisés ne sont jamais neutres. Ils invitent à la réflexion (construction, transformation) et créent une atmosphère (poésie, évasion) particulière. Les matériaux permettent aussi d'éprouver des sensations tactiles comme le montre Anne et Patrick Poirier lorsqu'ils utilisent des feuilles de papier mouillé pour restituer les aspérité du couvent de la Tourette.

Au Congrès international d'architecture moderne d'Athènes en 1933 le Corbusier définit cinq matériaux de base : le soleil, l'espace, les arbres, l'acier et le ciment armé. Les plasticiens vont s'intéresser au soleil et à l'espace. Le soleil possède sa propre poésie que Jennifer Douzenel s'efforce de capturer en filmant des images mouvantes du cabanon du Corbusier er du paysage autour de lui. L'espace intéresse Juliao Sermanto et Emmanuel Régent. Le premier s'interroge sur la fonctionnalité de l'architecture alors que le deuxième utilise un miroir pour montrer le différence entre la lumière intérieure et la lumière extérieure du cabanon de Le Corbusier.

Eve Pietruschi, "Raisonance", (2013) et Emmanuel Régent "Le Cabanon", (2010).Eve Pietruschi, "Raisonance", (2013) et Emmanuel Régent "Le Cabanon", (2010).

Eve Pietruschi, "Raisonance", (2013) et Emmanuel Régent "Le Cabanon", (2010).

Le Corbusier n'a jamais été et ne s'est d'ailleurs jamais considéré comme un bâtisseur mais il a cherché à passer de la théorie à la pratique avec "le Modulor" et "les Unités d'habitation". Le Modulor (mot valise composé de "module" et de "nombre d'or") devait servir à concevoir les Unités d'habitation pour assurer un confort maximal entre l'homme et son espace vital. Le plasticien Lieven de Boeck critique le Modulor avec humour. Il compare les calculs du Corbusier basés sur le système métrique au système de mesure anglo - saxon (LDB - inch, - feet, - yards).

Il montre ainsi qu'il est illusoire de prévoir à l'avance la taille d'une Unité d'habitation. D'ailleurs le Corbusier lui - même n'hésitera pas à s'affranchir de Modulor lorsqu'il fait construire son cabanon à Roquebrune - Cap - Martin. Il laisse vagabonder son imagination et intègre la construction au paysage (Xavier Theunis).

L'Unité d'habitation est une notion qui n'échappe pas à la critique de la plasticienne Stéphanie Nava. Elle compare les Unités d'habitation a des casiers à bouteilles ou s'insèrent des modules de logement qui ne résisteront pas au temps.

Lieven de Boeck, "Mikado LDS Modulor #2", (2013) et Stéphanie Nava, "Hypothèse d'une certaine interprétation", (2001)Lieven de Boeck, "Mikado LDS Modulor #2", (2013) et Stéphanie Nava, "Hypothèse d'une certaine interprétation", (2001)

Lieven de Boeck, "Mikado LDS Modulor #2", (2013) et Stéphanie Nava, "Hypothèse d'une certaine interprétation", (2001)

Pour réaliser ses travaux le Corbusier s'appuie sur des maquettes. L'exposition consacre un étage aux maquettes ; celles de Tadao Ando, celles du ZHAW (Haute Ecole des sciences appliquées de Zürich) et les maquettes pédagogiques (établissements scolaires et hôpital psychiatrique de Sainte - Marie de Nice). Ces maquettes permettent de mieux comprendre la démarche architecturale de le Corbusier. Les créateurs ouvrent des portes et esquissent des perspectives lorsqu'ils utilisent le carton. Ils recréent le cabanon de le Corbusier en modèle réduit qu'ils peignent aux couleurs du paysage qui entoure l'original à Roquebrune - Cap - Martin;

Maquette de T. Ando et ZHAW "Splitted cabanon".Maquette de T. Ando et ZHAW "Splitted cabanon".

Maquette de T. Ando et ZHAW "Splitted cabanon".

La travail architectural de le Corbusier dépend enfin des relations qu'il entretient avec ses commanditaires. Il doit alors résoudre la contradiction qui existe entre sa création et les exigences souvent financières des commanditaires. Selon Michael Amzalag il s'agit du drame inhérent à la création qui se joue. Ce drame inspire Michael Amzalag et Mathias Augustyniak lorsqu'ils évoquent le parcours de Pierre Huyghe invité à réaliser une oeuvre pour le Carpenter Center for Visual Art d'Harvard. Ils représentent le créateur sous la forme d'une marionnette qui s'agite dans tous les sens sous l'oeil du commanditaire.

Le Corbusier sait aussi se montrer mesquin avec un commanditaire dont il n'apprécie pas les idées. Le collectionneur Charles de Beistegui un fervent admirateur du surréalisme demande au Corbusier de réaliser un appartement réservé a des soirées festives. Le Corbusier ne s'intéresse pas aux surréalistes et il réalise un appartement sans toit, avec des murs d'un mètre de hauteur et dépourvu de lumière électrique (Isa Melsheimer).

L'architecture du Corbusier fait l'objet d'éloges malgré les critiques sur sa personnalité et ses engagements. Cependant les critiques ne s'intéressent pas au devenir des réalisations du Corbusier. Dans Singspiele (Théâtre chanté) la réalisatrice allemande Ulla von Brandenbourg s'interroge sur la vie dans la villa Savoye. La vie quotidienne semble bien différente à la version idyllique par Tadao Ando (illustration des cinq points de l'architecture mondiale, révolution de l'habitat conventionnel). Le toit de la villa Savoye fuyait, la maison était humide et le fils de la famille contracta une pneumonie. Madame Savoye menaça de porter l'affaire en justice mais la Seconde guerre mondiale éclata et obligea la famille à quitter le pays.

Michael Amzalag, Mathias Augustyniak "This is not time for dreaming", (2005) et Ulla von Brandenbourg, "Singspiele", (2009)Michael Amzalag, Mathias Augustyniak "This is not time for dreaming", (2005) et Ulla von Brandenbourg, "Singspiele", (2009)

Michael Amzalag, Mathias Augustyniak "This is not time for dreaming", (2005) et Ulla von Brandenbourg, "Singspiele", (2009)

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